Certains professionnels de la filière s’inquiètent du projet d’interdire la production et la commercialisation des fleurs de chanvre CBD. Tribune.
Conforté par les récentes jurisprudences européennes et françaises, l’essor des produits CBD en France est en quelques années devenu un véritable phénomène de société : ouverture de commerces dédiés dans tout le pays, entrée des buralistes sur le marché, engouement de consommateurs de tous horizons séduits par les effets apaisants du cannabidiol sur l’anxiété ou le sommeil, opportunités d’emplois, appétence d’une génération d’agriculteurs en quête de sens et de revenus stables, renforcement du lien de notre pays avec sa tradition paysanne et une culture du chanvre millénaire.
A rebours de ces perspectives réjouissantes, le projet d’arrêté notifié par le gouvernement français à la commission européenne le 20 juillet dernier, en prévoyant d’interdire la production et la commercialisation des fleurs de chanvre CBD, plonge l’ensemble des acteurs du secteur dans une profonde inquiétude. Cette mesure, loin d’être anecdotique, menace directement l’existence d’une filière économique et agricole nationale encore en construction.
Les organisations professionnelles de la filière des produits du chanvre, l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC), le Syndicat des Professionnels du Chanvre (SPC) et l’Union des Professionnels du CBD (UPCBD), ainsi que l’association citoyenne NORML France, n’ont d’autre choix que de dénoncer d’une même voix ce texte et d’alerter l’opinion publique sur les conséquences lourdes et irréversibles de son éventuelle entrée en vigueur.
Pour justifier cette interdiction, le gouvernement invoque un motif d’ordre public. Il postule que la police et la gendarmerie ne disposent pas des moyens et outils nécessaires pour opérer la distinction entre le cannabis, stupéfiant, et les fleurs de chanvre CBD, aujourd’hui légales.
Or, il existe bien des tests, immédiatement disponibles, et déjà utilisés par certains de nos voisins européens, qui permettent cette distinction. Le coût budgétaire de leur déploiement, qui s’inscrirait dans l’effort de modernisation des forces de l’ordre, est insignifiant au regard des bénéfices attachés au commerce de la fleur de chanvre bien-être :
- Sur le plan sanitaire d’abord : rappelons que l’OMS considère que le CBD est une molécule sûre, non addictive, sans risque d’abus. Non seulement cette molécule n’a pas d’effet psychotrope, mais il est établi scientifiquement que les fleurs de chanvre CBD sont un moyen efficace de lutter contre les addictions (nicotine, alcool, cannabis…) à l’égard desquelles elles constituent un produit de substitution éprouvé. Ces fleurs sont ainsi largement utilisées par des consommateurs de cannabis qui souhaitent éviter les effets psychotropes ou addictifs du THC pour réduire voire cesser leur consommation. Loin d’être problématique, l’usage des fleurs CBD représente une formidable opportunité dans le cadre d’une politique de réduction des risques liés à l’usage de stupéfiants. Leur interdiction irait donc à l’encontre des objectifs de santé publique proclamés. La fleur de chanvre ne doit pas faire les frais d’une politique de prohibition qui n’a jamais fait ses preuves.
- Sur le plan sécuritaire ensuite : la dérivation d’une partie des consommateurs de drogues accessibles sur un marché noir tenu par des réseaux criminels vers la commercialisation des fleurs CBD disponibles sur un marché légal, sécurisé et transparent aurait un impact significatif sur le trafic de stupéfiants, et sur les violences qui y sont associées.
- Sur le plan économique enfin : avec un volume estimé à deux milliards d’euros de chiffre d’affaires, 1500 boutiques spécialisées ouvertes à travers la France, qui contribuent à la revitalisation des centres-villes, près de six mille buralistes qui en font commerce, notamment en zone rurale, une vingtaine de milliers d’emplois directs et indirects, la filière CBD connaît une croissance exponentielle, preuve qu’elle répond à une large demande sociale, tous milieux et toutes générations confondues, de solutions non médicamenteuses.
Il faut le dire sans ambage : la plupart des détaillants, pour qui la vente de la fleur de chanvre CBD représente 50 à 70 % de leur chiffre d’affaires ne survivront pas à son interdiction. La prohibition de la fleur mettrait aussi les producteurs en situation de dépendance forcée vis-à-vis des extracteurs et laboratoires, seuls détenteurs des coûteuses infrastructures nécessaires à ces opérations.
Du producteur au détaillant,
C’est toute la filière CBD française qui serait affaiblie, au profit des grands groupes étrangers. Coupée de la fleur et de la majorité de ses revenus, réduite à une simple activité d’extraction, la filière française du CBD ne pourrait pas rester concurrentielle.
Depuis le début, inexplicablement, la France (le gouvernement ?) travaille à l’affaiblissement de la filière française face à ses concurrents successifs. Après avoir soutenu la Chine et les Etats-Unis en n’autorisant que le CBD synthétique, elle a favorisé les producteurs européens en frappant d’ostracisme la seule fleur française. Résultat : 90 % des produits CBD sont importés.
Avec le projet d’arrêté du 20 juillet dernier, l’Etat crée de l’illégalité au lieu de produire de la valeur. Il consolide la concurrence étrangère au lieu de tirer parti du dynamisme des acteurs nationaux. Le retard pris aujourd’hui ne sera pas ou peu rattrapé demain.
Ubuesque, contraire au droit européen et à nos principes fondamentaux, exposé à ce titre à la censure du Conseil d’Etat, ce texte sera aussi inapplicable et provoquera des fermetures ciblées et aléatoires, un volume contentieux considérable, une confusion généralisée.
Nous enjoignons donc les autorités à sortir de l’impasse de l’option prohibitionniste en autorisant la production, la commercialisation et l’usage de la fleur de chanvre CBD. Il n’est pas trop tard pour faire le choix d’un développement sécurisé de la filière CBD française, profitable – sur les plans sécuritaire, sanitaire et économique – à l’ensemble de notre communauté nationale.
Signataires :
– L’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC)
Source: nouvelobs.com